Après 2 annulations en 2020 et 2021, cette année 2022 signe le retour de la reine des cyclosportives, L’Étape du Tour. C’est la 30e édition, la première ayant eu lieu en 1993. Cette année, le menu est particulièrement corsé. En effet, le parcours pour cette édition reprend le parcours de la 12e étape du Tour 2022 mais c’est également la copie conforme de l’étape de 1986 qui avait vu Hinault et Lemond arriver main dans la main au sommet de l’Alpe d’Huez.
Le parcourt part de Briançon, ensuite c’est l’enchaînement du Lautaret et du Galibier avant de retrouver la vallée de la Maurienne avec Saint-Michel puis Saint-Jean-de-Maurienne. Ensuite, le parcours emprunte le col de la Croix de Fer et redescend vers Bourg d’Oisans avant de tourner à gauche pour affronter les 21 lacets de la montée mythique des hollandais.
Au départ, les coureurs de l’Union sont peu nombreux, un habitué de ces étapes, Alain D et Éric LC qui, lui, fait partie des précurseurs de l’étape de 1993. La préparation de nos gaillards s’est faite en partie sur le périple l’Union – Nice.
Alain et Éric sont arrivés le vendredi, ils ont pu récupérer leurs dossards en fin d’après-midi loin de la foule du samedi. Le samedi sera consacré à la logistique pour le retour après l’étape. Il faut déposer une voiture au plus près de l’arrivée. En rejoignant le parking où sont garées leurs voitures, ils s’aperçoivent que ce parking est sillonné par la police municipale qui convoite le parking pour les camions de l’organisation. Une voiture est déposée dans la descente du Lautaret, juste après la descente du col de Sarenne. Cette opération prend toute la matinée, la route étant saturée par le trafic de voitures, la plupart chargées de vélos de course. Ils seront même « contraints » de s’arrêter sur la route pour se ravitailler. Une pizza et une tarte aux myrtilles plus tard, la route est moins chargée et ils peuvent rejoindre leur appartement pour préparer la longue journée du lendemain, c’est-à-dire sieste devant le tour de France et mise en place de la plaque de cadre et du dossard.
Lors du repas du soir, la question est de savoir à quel moment Éric va doubler Alain. En effet, pour permettre aux 16 000 inscrits de partir sans trop se gêner, le départ est organisé par sas de 1000 cyclistes répartis par niveau. Alain est dans le sas des 4000, Éric celui des 6000, et chaque sas part 7 minutes et 30 secondes après le précédent. Alain partira donc avec 15 minutes d’avance. Alain vise un temps de 9 heures. Éric lui rêve de 7h15 pour arriver avant 15h mais il espère finir en moins de 8 heures.
Dimanche matin, nos coureurs se sont réveillés avant le réveil. Tout est prêt, les poches sont chargées de barres énergétiques, les bidons sont remplis. Éric a fourni à Alain des pastilles d’électrolyte « zéro sucre » pour recharger le bidon en cours de route.
6h30 : Éric et Alain rejoignent leurs sas respectifs. Ils ne sont pas les premiers, il y a déjà une petite centaine de concurrents présents. Il faut attendre, manger, boire… les discussions vont bon train avec les voisins de sas. Alain y retrouve un ancien du club, Olivier P.
Enfin ça bouge ; à 7h30, Alain s’élance. Le rythme est rapide, il s’accroche au peloton pour profiter de l’abri pendant la première partie de l’ascension du Lautaret qui est plutôt roulante. À 7h45, c’est au tour d’Éric de s’élancer. Avant de sortir de Briançon, Éric a déjà remonté une partie de ses compagnons de sas pour rejoindre l’arrière du peloton de tête. Le rythme est rapide et le pied du col du Lautaret est atteint rapidement, et Éric commence déjà à doubler les concurrents des sas précédents.
Au pied du col du Lautaret, Alain est en plein démêlé avec ses dérailleurs. Les plateaux passent bien mais, derrière, la chaîne reste sur le 17. Alain s’arrête pour bouger les batteries, 3 fois avant le sommet du Galibier. Rien n’y fait, après plusieurs essais infructueux, l’inversion des batteries entre l’avant et l’arrière résout temporairement le problème. En effet, seul le dérailleur arrière fonctionne maintenant. Pour l’enchaînement Lautaret-Galibier, ça devrait aller.
Éric, de son côté, continue de doubler des concurrents, les jambes tournent bien et les vitesses passent avec fluidité. Il commence à chercher Alain sur la fin de la montée du Lautaret mais il l’a déjà doublé lors de l’un de ses arrêts forcés.
En haut du Galibier, il fait plus frais mais ça reste très agréable. Éric s’arrête enfiler un coupe-vent. Alain, lui, s’arrête pour changer de plateaux avant la descente. Au ravitaillement, remplissage des bidons avec les pastilles. Alain s’arrête au pied du Télégraphe afin de changer de plateaux avant la montée. Il s’aperçoit qu’il a perdu une des batteries du système e-Tap. Le reste de la journée va être compliqué… très compliqué. Ça veut dire qu’il faudra s’arrêter à chaque changement de pente, la descente de la Croix de Fer comprenant plusieurs changements de pente, parfois très ardus…
Éric repart de Valloire, il n’a toujours pas vu Alain, c’est raté pour lui donner des encouragements. La montée du col du Télégraphe est vite avalée. La descente est technique mais nos coureurs sont entraînés. Les nombreuses descentes avalées lors du périple niçois leur permettent d’aborder cette descente avec beaucoup de sérénité. Ce n’est pas le cas pour tout le monde et certains sont secourus suite à des chutes.
À Saint-Michel-de-Maurienne, une fois passé le pont, les coureurs prennent un virage gauche direction Saint-Jean-de-Maurienne sur une route large en faux-plat descendant mais vent de face. Il faut attraper un groupe, ce que feront facilement nos 2 représentants. Cela permet d’économiser des forces et de rejoindre le pied du col suivant sans dilapider des forces inutilement.
À Saint-Jean-de-Maurienne, le ravitaillement est en plein centre ville. Éric a encore de l’eau dans ses bidons et enchaîne directement sur l’ascension du col de la Croix de Fer. Alain, lui, s’arrête et râle après ses batteries de dérailleurs, ou plus exactement « sa » puisqu’il n’en reste qu’une seule. Un coureur à côté de lui l’interroge sur les raisons de son mécontentement. Alain lui explique qu’il a perdu une batterie dans la descente du Galibier. Le gars farfouille dans sa poche, en sort une batterie e-Tap, et dit à Alain : « tiens, prends ma batterie de rechange, je ne pense pas finir, ça te servira plus qu’à moi ». Alain explique qu’il n’a pas d’argent pour le rembourser, mais la personne ne veut rien et l’incite à continuer. En remontant la batterie de secours, Alain s’aperçoit qu’en fait l’ergo de la précédente a cassé, d’où sa perte. Une fois remonté les dérailleurs fonctionnent de nouveau à merveille. Alain repart rassuré pour la seconde moitié du parcours.
L’ascension de la Croix de Fer se déroule en plusieurs temps. Une première partie raide de 3 km, une courte descente puis une seconde rampe de 5 km à 9 % avant une descente et une ascension douce jusqu’à Saint-Sorlin-d’Arves. À partir de là vient la dernière partie de l’ascension avec une pente régulière entre 7 et 8 %.
L’ascension se fait en fin de matinée, le soleil n’est pas encore au zénith mais il n’y a pas d’ombre. De temps en temps, quelques plaques d’ombre apparaissent sur la gauche de la chaussée. Les cyclistes aussi sont tous à gauche. Éric continue de remonter des coureurs, la plupart sont du sas des 3000. Quelques rares jeunes affûtés des sas 8 ou 9000 le doublent.
De son côté, Alain poursuit sa progression sur les rampes de ce col où l’ombre est rare et les cyclistes nombreux. Le vélo est alourdi par cette nouvelle batterie obtenue quelques kilomètres plus bas mais l’esprit incomparablement plus léger. Alain est maintenant rassuré sur ses capacités à affronter les contre-pentes de cette descente de la Croix de Fer.
Un ravitaillement est positionné à Saint-Sorlin-d’Arves à un peu plus de 6 km du sommet. Ce village est situé au début de la dernière partie de ce col. Éric s’arrête pour faire le plein de ses bidons. Ça ne se passe pas tout à fait comme prévu. Ce n’est pas la faute du jeune bénévole qui, armé de sa bouteille, est particulièrement serviable. Éric, lui, veut mettre des pastilles pour donner du gout à l’eau et apporter des sels minéraux. Malheureusement, la fatigue lui fait perdre un instant l’équilibre et le bidon copieusement rempli vient éclabousser l’intérieur du tube de pastille, dans la précipitation 2 pastilles tombent dans la poussière. Bon heureusement il en reste encore 4, 2 pour finir le col de la Croix de Fer et 2 autres pour plus tard pour affronter la dernière ascension. Éric repart pour arriver au sommet de ce second col.
Dans la descente, les 2 contre-pentes viennent ralentir l’avancée de nos coureurs. La première est relativement simple à appréhender, 2 km ,à 3 % ça coupe un peu les jambes mais c’est complètement gérable. En revanche, la suivante, c’est une tout autre affaire. Le début est situé juste après un passage technique et un petit pont étroit qui nécessite de freiner un peu si on ne veut pas risquer le pire. Une fois dans la pente, il faut vite jouer des dérailleurs : de tout à droite quelques décamètres plus tôt, on passe tout à gauche. La pente oscille entre 10 et 12 %. Sacré changement de rythme. Éric continue de doubler des concurrents en perdition. Alain au même endroit doublera son voisin de SAS de départ qui marche en poussant son vélo. Apparemment, il n’a plus la force de finir cette difficile étape (pourtant, il finira quelques heures après nos coureurs).
La fin de la descente de ce col se termine par le barrage du Verney mais, avant ce barrage, il faut passer sur ce pont qui file sur le lac et le vent est fort en ce milieu de journée. Pour Éric, ça passe sans encombre puisqu’il a trouvé un petit groupe dans la fin de la descente. Mis à part un « Pop » qui ressemble à un bouchon de champagne qui saute… après quelques secondes de réflexion, Éric met la main à la poche et trouve son tube de pastilles de boisson ouvert sans bouchon… les pastilles se sont consumées à la suite des éclaboussures reçues à St Sorlin ! Le prochain bidon sera à l’eau pure… Après le barrage, il y a une cassure dans le groupe et Éric fait rapidement le jump pour rester dans le groupe de tête. Le vent est fort mais vient de la droite et, au bout de la route, ça tourne à gauche vers Bourg d’Oisans. La ligne droite se fait donc vent de dos. Éric s’accroche au groupe ; au bout d’un moment, plus personne ne veut relayer alors Éric fait le boulot pour rejoindre le ravito environ 1,5 km plus loin.
De son côté, Alain se retrouve bien seul pour passer le pont sur le Lac. Heureusement, il trouvera un groupe pour le mener au pied de l’Alpe d’Huez.
Le ravitaillement passé, c’est parti pour les fameux 21 virages de la montagne des hollandais. Il est plus de 14 heures et le soleil est quasiment au Zenith pour Éric ; Alain, lui, passera 1h30 après. Éric, dès la première rampe, comprend que ça va être long et difficile. Il a eu beau mettre du charbon dans la machine à coup de barres de céréales, là les jambes sont vides et il est difficile d’avaler autre chose que de l’eau. La chaleur est étouffante. Le goudron et les parois de roche renvoient la chaleur accumulée les heures précédentes. Alors c’est tout à gauche ! Et en avant ! Enfin, en avant , il faut relativiser : le compteur peine à afficher plus de 10 km/h. Éric oscille entre 8,9 et 9,5 km/h ; pour Alain, c’est à peine moins. Les premières épingles permettent de reprendre un peu de vélocité dans les jambes, histoire de ne pas trop avoir de lactique. Les virages s’enchaînent à un rythme… lent, trop lent pour nos athlètes en souffrance.
Au virage 14, Alain frôle le drame : un concurrent devant lui le fait chuter, rien de cassé pour le bonhomme, les batteries sont toujours là. Mais la selle est fâchée avec l’alignement du cadre. Impossible de la remettre à la « force » des bras, enfin ce qu’il reste. Heureusement, à proximité un spectateur outillé fournit à Alain la clé salvatrice, l’ascension peut reprendre.
Éric, de son côté, s’interroge sur le bienfondé d’un arrêt mais, entre l’ombre absente et la possibilité de ne pas repartir, il préfère continuer. Le cap de la douleur est passé, le seul objectif est de franchir la ligne. Elle est encore loin mais, petit à petit, les mètres défilent. Les spectateurs sur le bord de la route encouragent les athlètes en perdition. Si Éric est au bout du rouleau, les autres concurrents souffrent eux aussi. En effet, sur les 13,3 km, les dépassements sont peu nombreux mais beaucoup de cyclistes sont arrêtés sur le bord de la route et, au global sur l’ascension, Éric aura plus doublé qu’il n’aura été doublé, même avec cette vitesse d’escargot. Dans les dernières rampes, le vent se fait sentir et, s’il apporte beaucoup de fraîcheur, il freine aussi l’avancée des coureurs dans les rampes vent de face. Éric commence à avoir froid, signe d’une grosse fatigue et d’une déshydratation avancée. Enfin le tunnel au cœur du village apparaît, bientôt la flamme rouge. La pente s’adoucit, il y a même une petite descente avant le dernier virage. Éric retrouve ses jambes, passe la plaque, accélère, le compteur dépasse le trente à l’heure ! Mais il faut ralentir, c’est le dernier virage. La ligne d’arrivée apparait enfin ! Elle n’est pas longue, à peine plus de 200 m. Mais c’est loin d’être plat ! Et là, les jambes fatiguées se rappellent au bon souvenir d’Éric et il faut repasser le petit plateau ! Hors de question de faire comme les pros et sprinters. Y’a plus de jus dans la machine ! Passé la ligne et la médaille, Éric attrape quelques morceaux de pastèques distribués par l’organisation, pose le vélo dans un coin et s’écroule par terre. C’est l’épuisement total. Après quelques minutes, Éric envoi le SMS convenu avec Alain pour lui indiquer qu’il est bien arrivé.
De son côté, Alain, après avoir remis sa selle d’aplomb, continue son ascension, le soleil est à peine moins haut mais la route et la paroi rocheuse sont surchauffées. Et, au virage 8, une violente crampe l’oblige à mettre pied à terre. En attendant que ça passe, il consulte son téléphone. Un SMS reçu il y a quelques minutes (près d’une heure) lui annonce qu’Éric est sur la ligne à l’attendre. Une fois la crampe passée, il repart vers le prochain virage en attendant avec impatience la flamme rouge et surtout la ligne d’arrivée. Les virages passent lentement mais les jambes tiennent, certes elles n’ont plus la force de ce matin mais la ligne s’approche. De son côté, Éric essaie de reprendre un peu de force à coup de morceaux de pastèque et de restes de barres de céréales trouvés au fond des poches. C’est au moment ou Éric est allé chercher des morceaux de pastèque qu’Alain franchit enfin la ligne d’arrivée après 10h de vélo. Raté pour la photo, Éric n’est pas en mesure d’immortaliser son arrivée à l’Alpe d’Huez mais c’est un peu l’histoire de ses exploits…
Passé l’arrivée, la remise de la médaille, nos compères se retrouvent pour partager leurs premières émotions mais, rapidement, il faut penser à regagner la voiture. La descente vers la voiture comporte un col. Le col de Sarenne (1999 m). Après une courte récupération pour Alain, ils prennent la route pour de ce col. Ça monte en sortant de l’Alpe d’Huez, c’est raisonnable (4 – 5%). Éric s’arrête enlever le coupe-vent qu’il a gardé depuis son arrivée. Après cette petite montée, une descente ponctue la montée vers le col. Nos coureurs ne sont pas les seuls sur cette route, beaucoup de cyclistes et de voitures empruntent cette route. Une fois la descente terminée, l’ascension reprend mais avec des pourcentages largement supérieurs à 7 %, il y a même plusieurs passages à plus de 10 %. Dès le début de l’ascension, les jambes d’Alain crient « stop », des crampes l’obligent à mettre pied à terre. Un automobiliste s’arrête pour s’enquérir de sa santé et lui propose de le prendre dans la voiture jusqu’au sommet. Alain voit l’arrière de la voiture occupé par le vélo du chauffeur mais ce dernier ne manque pas de ressource et sort une couverture et des protections pour permettre de positionner le vélo d’Alain dans le coffre. La montée sera plus facile. Dans l’ascension, ils vont permettre à un autre cycliste de s’accrocher pour faciliter l’ascension. Entre temps, Éric a eu le temps d’atteindre le sommet et de prendre une photo de la pancarte. Ils pourront entamer la descente ensemble. Descente dangereuse, les voitures sont nombreuses et font peu cas des cyclistes. Pourtant, ils sont nombreux à avoir un ou plusieurs vélos dans ou accrochés à la voiture. De nombreuses invectives vocales seront nécessaires pour se faire une place dans le trafic, surtout que ces automobilistes seront bloqués un peu plus bas dans la descente.
Enfin, nos athlètes arrivent à la voiture. Ce fut une grosse journée de vélo, plus de 190 km et plus de 5000 m de dénivelé.
Résultat d’Éric :
- Temps réel : 08:02:29
- Classement : 1454 / 8708
- Classement dans la catégorie Homme : 50 à 54 ans 134 / 1179
Résultat d’Alain
- Temps réel : 10:11
- Classement : 5266/8708
- Classement dans la catégorie Homme : 60 à 64 ans 246 / 48
À 3:10 un de nos coureurs :
Merci Éric pour la longue et détaillée narration de vous galères et explois, elle ravive de très nombreux souvenirs.
Félicitations pour vos résultats.